
Son adversaire le plus redoutable n'est autre que son père, son maître, le célèbre peintre Orazio Gentileschi. Il voudrait cacher au monde la sensualité et, surtout, le génie de sa fille. Mais le destin bouleverse ses plans, Artemisia est violée par l'un de ses élèves. Continence alors un duel dont le père et la fille seront tour à tour la victime et le vainqueur et qui ne se terminera qu'à la mort de l'un deux.
Artemisia, le destin exceptionnel d'une femme dans le bouillonnement culturel et politique de la Renaissance italienne.
Artemisia Gentileschi, qui hérite son original prénom de sa marraine, naît à la fin du XVIème siècle à Rome, en 1593. Elle est la fille d'un autre peintre, Orazio Gentileschi, qui va devenir son maître, dur, tyrannique envers elle mais qui parviendra à faire d'elle un grand artiste. Elle perd sa mère à treize ans et se jette à corps perdu dans la peinture, épaulée par son père, qui la jalouse, l'adule et la méprise à la fois. A dix-neuf ans, elle est victime d'un viol de la part d'un ami de son père, Agostino Tassi, qui abuse d'elle et lui promet ensuite le mariage sans jamais se déclarer. Artemisia se retrouve alors au corps d'une machine judiciaire infernale, qui broie autant les victimes que les témoins. Elle est l'une des premières femmes à avoir porté devant la justice une affaire de viol. En effet, au XVIIème siècle, la justice pontificale, bien que très regardante des affaires de moeurs -il en allait de l'image du trône Saint-Pierre-, ne s'intéresse que peu aux nombreuses déflorations consenties qui ont lieu à Rome. Par contre, la justice se montre implacable avec un coupable de viol. En portant plainte pour « défloration avec violence » ( « stupro violente » ), Artemisia va sceller son destin. Ce procès aura des conséquences positives sur son art : après son viol, la jeune femme signe l'une de ses plus belles toiles, une Judith décapitant Holopherne qui serait un symbole de sa vengeance. Elle se représente en Judith. Agostino Tassi est Holopherne. Mais des conséquences négatives sur sa vie privée : elle rompt les liens ténus qui l'unissent encore à son père, elle est obligée d'épouser le seul homme qui a bien voulu d'elle après ce scandale et qui, après s'être montré amoureux et attentionné, deviendra un goujat. Et pourtant, Artemisa Gentileschi, portée par la peinture, qui est sa raison de vivre, continue d'exister.
La plume d'Alexandra Lapierre sert un destin flamboyant, pourtant retombé dans l'oubli et c'est bien dommage, au vu des oeuvres réalisées par cette femme, digne des plus grands peintres caravagesques. Le style de l'auteur est particulièrement beau et fluide et, malgré un récit assez conséquent, qui s'étale sur près de trente ans, de nombreux retours en arrière dans le temps, le livre est clair et aisé à lire. On ne peut que se prendre d'affection pour cette femme, cette Artemisia Gentileschi, femme-enfant puis femme accomplie qui sait ce qu'elle veut. Tantôt fragile et touchante, tantôt déterminée et admirable, le destin exceptionnel d'Artemisia se déroule sous nos yeux. Le roman laisse parfois place à la biographie plus historique, on sent derrière la narration les solides recherches de l'auteur qui a dû beaucoup travailler en amont pour nous livrer un récit inséré dans un contexte historique précis et très bien restitué. Je ne regrette pas du tout d'avoir lu ce roman, qui m'a plu du début à la fin. J'avais déjà lu L'Excessive, d'Alexandra Lapierre, que j'avais beaucoup aimé. J'ai également beaucoup aimé Artemisia, et je ne me suis pas lassée d'admirer les oeuvres du peintre, glissées au détour du livre : dans la nouvelle édition Pocket vous trouverez en effet un petit cahier de huit pages qui reprend les oeuvres emblématiques et qui firent la renommée d'Artemisia Gentileschi. Je conseille ce livre à tous les amateurs d'art, de destins féminins et exceptionnels. Vous ne serez pas déçus.

Linette, Posté le jeudi 16 mai 2013 06:17
Contente que tu ai aimé. C'est un beau livre effectivement. A la fois sur le destin d'une femme mais aussi sur la peinture.