
Dans cette biographie foisonnante mais passionnante de Jean des Cars, on se rend compte que le destin de Sissi est bien plus compliqué que celui, édulcoré, présenté par le cinéma. Personnellement, je trouve Sissi fascinante, passionnante, peut-être parce qu'elle me rappelle une autre reine tragique, la reine Marie-Antoinette. Cette femme à la beauté sombre (elle est brune et a de magnifiques yeux noirs très profonds, c'est étrange, pour une bavaroise) transpire le spleen et la mélancolie qui l'habite depuis l'adolescence et qui fait d'elle Sissi. Incontestablement.
Née le 24 décembre 1837, dans le palais familial de la Ludwigstrasse, Elisabeth est une enfant du dimanche et un enfant de Noël. Elle a, à la naissance, une dent qui perce déjà sa gencive. Comme Napoléon. C'est signe d'un destin hors-du-commun. L'empereur français et l'impératrice autrichienne auront effectivement un destin exceptionnel et une fin tragique : l'un trouvera la mort dans le plus grand dénuement à Sainte-Hélène, l'autre (ce n'est pas un scoop que de révéler ici la fin ;)) mourra à Genève, de la façon la plus ironique qui soit.
En attendant ce jour tragique de septembre 1898 où Sissi rencontrera le tire-point fatal tenu par la main anarchiste de Luigu Luccheni, il convient bien évidemment de revenir sur ce qui fut très certainement le plus grand bonheur et le plus grand malheur de sa vie : sa rencontre avec François-Joseph, son cousin germain (leurs mères sont soeurs) et tout jeune empereur d'Autriche. Sissi n'est assurément pas une femme faite pour le gouvernement, encore moins pour la représentation, qui lui impose des règles qu'elle refuse viscéralement. Epiée sans cesse dans une Cour médisante où elle ne peut connaître la paix, brimée dans ses premières années de mariage par la présence envahissante et moralisatrice de sa tante et belle-mère l'archiduchesse Sophie, Elisabeth, chez qui la dépression n'est jamais loin derrière la façade de gaieté ne trouvera jamais d'autre choix que de fuir. La fuite deviendra ensuite sa façon de vivre la plus courante, puisque, comme elle le dit elle-même, elle ne supporte jamais au même endroit bien longtemps.
Etrange que cette femme, qui a fait un mariage d'amour alors que, dans le Gotha, on se mariait encore rarement selon ses inclinations les plus intimes mais par raison politique, ne fut jamais heureuse dans sa vie personnelle alors qu'elle avait finalement tout ce qui fallait pour l'être. N'a-t-on pas toutes rêvé, nous, les femmes, d'avoir un homme comme celui-ci, plein d'abnégation, de respect et d'amour ? Parce que c'est quand même le plus important ! Et Sissi avec tout de la part de François-Joseph, qui ne cessa jamais de l'aimer, de 1853, date à laquelle il la rencontra jusqu'à sa propre mort en 1916.
Tous les paradoxes de Sissi sont consignés dans cette biographie. On sent que Jean des Cars a essayé de donner la vision la plus impartiale possible de l'impératrice, ce qui n'est pas facile, vu la légende qui s'est tissée autour d'elle et qui est vraiment tenace. Il faut dire que Sissi recueille tous les suffrages, grâce notamment aux films d'Ernst Marischka et qu'elle est devenue en quelque sorte le modèle de millions de petites filles depuis la fin des années 1950.
Jean des Cars s'attache à montrer que Sissi n'est pas toute blanche. Pas toute noire non plus, mais entre les deux, finalement. Sissi n'avait pas que des qualités, elle n'avait pas que des défauts non plus. C'était une femme comme les autres mais avec une vision étonnament moderne d'elle-même et mal à l'aise dans le monde où on l'avait catapultée car elle est, assurément, une femme du XXème siècle, voire du XXIème...les passages traitant de la géopolitique et de la diplomatie de l'époque sont parfois un peu ardus à suivre, il a fallu que je les lise avec précaution et que je fasse parfois des recherches parallèles pour tout bien comprendre mais dans l'ensemble, cette biographie, destinée au grand public, est tout à fait abordable et facile à lire. Elle est moins centrée sur la Sissi intérieure que celle d'Hortense Dufour, par exemple, puisque Sissi est replacée dans son contexte, mais dans l'ensemble, on en apprend énormément, tant sur la femme, l'épouse et la mère (Sissi) que sur l'impératrice en représentation (Elisabeth).
J'ai trouvé ce livre vraiment très plaisant. Sissi est un personnage qui m'a toujours beaucoup touchée. Elle a une beauté très particulière que j'admire beaucoup et un destin vraiment tragique et ironique. N'est-ce pas l'ironie complète qui régente son destin lorsqu'elle croise son assassin sur un quai de Genève ? Luigi Luccheni avait dans l'idée d'assassiner le duc d'Orléans. Pour cause de changement d'emploi du temps, le duc ne se présenta pas. Le tire-point fut pour Elisabeth, l'impératrice d'Autriche, qui n'avait jamais été autre chose qu'une femme en cage, plus anarchiste peut-être même, que son assassin. Il a assassiné Elisabeth en pensant abattre une figure incontournable de la politique et de l'aristocratie de l'époque, il n'a fait que donner le coup fatal à une femme qui le cherchait depuis tant de temps dans ses multiples errances et surtout à une femme dont les privilèges était le cadet des soucis.
Bref, à tous ceux qui voudraient en apprendre un peu plus sur Sissi, je vous conseille cette biographie. L'auteur parle avec chaleur de son héroïne, sans faire non plus une hagiographie : Jean des Cars évite l'écueil avec brio. En un mot : foncez ! :) Vous ne serez pas déçus.
xxMagdaLenaaxx, Posté le jeudi 27 août 2015 04:55
Je l'ai lu et il est vraiment très bien. Je vous le conseille ;)